Par Daniel Pierre
À la maison, tout autant qu’à l’école, le constat semble malheureusement fort négatif. Il ne s’agit pas de sombrer dans une vision par trop critique, voire pessimiste, mais au contraire de chercher à mieux comprendre la cause des comportements observables pour efficacement aider les jeunes dans leur quête d’une vie épanouie.
À la ressemblance des adultes, les enfants font preuve d’un excès d’individualisme et pensent que tout leur est dû ; ils sont centrés sur eux-mêmes et oublient rapidement que les autres ont aussi des droits. Devenus grands, ils sont de plus en plus fréquemment habités d’une suffisance, pour ne pas dire d’un orgueil, qui les prive ipso facto d’échanges fructueux avec autrui. N’est- il pas légitime de voir également dans cet individualisme l’explication de leur manque de motivation pour ce que leurs parents ou leurs enseignants leur proposent ? Soit parce qu’ils sont découragés par ces attitudes de refus, soit parce qu’ils ne peuvent pas – ou ne veulent pas – accorder de leur « précieux temps », les adultes oublient que les enfants ont besoin d’eux pour se réaliser.
Notre monde est un espace où tout se fait dans la précipitation, et l’accélération du rythme de nos vies n’a jamais provoqué autant de stress et d’anxiété qu’à ce jour. Face à cette logique négative, on ne peut que s’inquiéter de la fréquence des actions violentes perpétrées par les jeunes. Cette violence peut tout aussi bien être dirigée vers les autres – dans l’éventualité de certaines carences éducatives de base -, qu’être dirigée vers soi-même quand le repli sur soi est devenu habituel et conduit à la tentative de suicide pour nombre d’adolescents. Toutes ces conduites destructives sont des appels et révèlent des états dépressifs que nous ne devons chercher ni à ignorer, ni à excuser – ce qui revient somme toute au même -, mais au contraire que nous sommes dans l’obligation de décrypter.
Il est dit de manière commune que le manque de volonté est en ce moment fort répandu. Autrement dit, le goût de l’effort aurait perdu de son importance dans beaucoup de familles, et par là même, dans les classes de nos écoles. Chez les plus jeunes, ce manque d’énergie peut s’associer à une véritable peur de grandir. Les étapes et les ruptures sont mal acceptées, et l’envie de devenir adulte ne semble pas s’exprimer ; le phénomène de l’allongement de la période adolescente en est la preuve. Au contact de notre monde conçu comme hostile, des enfants de tous âges se perdent dans des divertissements faciles, quand ce n’est pas dans les paradis artificiels de la drogue ou de l’alcool. C’est probablement la seule issue qu’ils ont su trouver à leurs angoisses.
Ce n’est pas parce que ces remarques sont étayées par des faits qu’il faut porter un jugement défavorable sur la jeunesse. En effet, plusieurs de ses centres d’intérêt sont un encouragement pour les années à venir. La plupart des enfants ont naturellement une curiosité pour toutes sortes de sujets qui ne demande qu’à être exploitée et développée avec notre concours effectif. Les parents et les éducateurs savent que les jeunes sont portés à s’interroger sur l’origine de l’humanité – sur leur origine -, pour tenter de se connaître et de se comprendre. C’est également à cet âge que les contacts et les échanges se multiplient, et que, conséquence de l’effet de miroir, le retour sur soi-même est ainsi favorisé. Dans le même ordre d’idées, force est de constater que la sensibilité aux problèmes des autres dans le monde et à l’état de l’environnement dans son ensemble est en éveil chez les enfants. Si l’on peut regretter qu’ils passent une partie importante de leur temps libre devant les écrans de télé- vision pour des programmes d’une valeur douteuse, il ne faut pas cependant oublier que ce média leur montre les souffrances d’autres enfants – maladie, famine ou guerre -, ainsi que les violences que les hommes font subir aux divers règnes de la nature.
Dans le prolongement de ces points de réflexion, il n’est pas inutile de préciser que les disciplines artistiques sont de plus en plus prisées par la jeunesse. À l’école, même les élèves en grande difficulté – pour ne pas dire essentiellement eux – sont attirés par les arts plastiques, la musique, la danse ou les activités théâtrales. Ce qu’ils recherchent, c’est avant tout une porte ouverte sur leur existence intérieure. Ne sont-ils pas alors en quête de ce qu’il y a de plus profond en l’être humain ? Il me semble objectif de dire que cette démarche est largement plus présente chez les jeunes que chez leurs aînés, qui, peu à peu, ont perdu leur spontanéité. C’est vraisemblablement une soif d’idéal qui émerge dans l’ensemble de ces intérêts pour l’essence de la vie.
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[box style= »light-bhue » ]Extrait du livre : L’éducation, une alchimie subtile
chapitre I
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