Dans certains ouvrages, l’Ordre de la Rose-Croix est qualifié de « société secrète », parfois pour suggérer qu’il s’agit d’un mouvement occulte, mystérieux, qui œuvre dans l’ombre, à l’écart du monde. Que faut-il en penser ?
Sur le plan historique, rappelons que l’Ordre de la Rose-Croix est apparu au tout début du XVIIe siècle, avec la publication de trois Manifestes : La « Fama Fraternitatis », la « Confessio Fraternitatis » et les « Noces chymiques de Christian Rosenkreutz », publiées respectivement en 1614, 1615 et 1616. De nos jours, on pense que ces trois Manifestes sont l’œuvre d’un groupe de mystiques : le cercle de Tübingen, lequel regroupait des penseurs et des philosophes intéressés par l’hermétisme, l’alchimie, le kabbalisme, le gnosticisme et, d’une manière générale, l’ésotérisme. À cette époque, ce cercle s’apparentait à une société secrète, en ce sens que ceux qui en faisaient partie gardaient l’anonymat et tenaient leurs réunions dans la clandestinité.
Jadis, le secret était une nécessité pour l’Ordre de la Rose-Croix, car les autorités politiques et religieuses se méfiaient de ceux qui détenaient le savoir et la connaissance, craignant qu’ils les utilisent pour s’opposer à elles ou mettre en cause leurs décisions. À titre d’exemple, Giordano Bruno (1548-1600) fut brûlé vif sur ordre de l’Inquisition, sous prétexte qu’il déclara que la Terre n’était pas la seule planète habitée et qu’elle n’avait donc pas l’exclusivité de l’Attention divine, contredisant en cela les Saintes Écritures. De son côté, Cagliostro (1743-1795) fut emprisonné jusqu’à sa mort, suspecté de pratiquer l’occultisme, rigoureusement interdit par l’Église. Dans ces conditions, on peut comprendre que les Rose-Croix se soient longtemps abrités derrière le secret.
Avec le temps, la liberté de pensée s’est fait jour, de sorte que l’Ordre de la Rose-Croix est passé graduellement du statut de « société secrète » à celui de « société discrète ». C’est ainsi que l’A.M.O.R.C. ne cache plus son existence et que ses membres n’hésitent plus à faire état de leur affiliation rosicrucienne. S’il cultivait toujours le secret, il n’aurait pas de sites sur internet, ne disposerait pas d’un siège dont on peut trouver aisément l’adresse, n’organiserait pas de conférences publiques, ne publierait pas de livres disponibles en librairie… Ce qui est vrai, en revanche, c’est que l’A.M.O.R.C. ne fait pas de prosélytisme. Autrement dit, ce sont les personnes susceptibles d’être intéressées par son enseignement et sa philosophie qui, ayant eu connaissance de son existence, entrent en contact avec lui.