Par Michel Bénot
La science d’aujourd’hui, dont le prestige est lié dans l’esprit de beaucoup à ses applications, est le résultat d’une évolution qui l’a conduite de la métaphysique antique à ce qu’on peut appeler « le matérialisme scientifique ». Cette évolution est une source d’inquiétude pour l’avenir de l’homme et de son environnement. Y a-t-il une crise ? De nombreuses publications récentes et, comme en écho à cette question, celle du lien de la science avec la spiritualité, le laissent supposer.
Déjà au XVIIIe siècle, Louis-Claude de Saint-Martin, dénonçant les « erreurs » des hommes rappelait ceci : « L’âme de l’homme est faite pour embrasser dans sa pensée toutes les œuvres que le principe des choses a laissé sortir hors de son sein. Car s’il est vrai que l’homme doive être le témoin universel de Dieu, comment pourrait-il être ce témoin, s’il lui était impossible d’avoir la connaissance et la vue de tous les faits et de toutes les réalités en faveur desquelles il est chargé de déposer ? »
Selon lui, seule la connaissance des « rapports qui existent entre Dieu, l’homme et l’univers, » connaissance qu’on peut trouver notamment dans le « Livre de la Nature » peut, appuyée sur la raison et sur la foi, conduire à la Vérité que recherche « l’homme de désir ».
C’est dans le monde occidental que la science d’aujourd’hui a pris naissance, aussi allons-nous examiner ce que la Tradition occidentale, et en particulier la Bible, dit de l’étude de la nature. Nous verrons aussi comment le but de cette étude a changé au fil des siècles, avec la naissance de ce qu’on appelle la science classique puis, plus récemment, avec les bouleversements qu’a connus la science contemporaine. Il nous faut commencer par une brève analyse des besoins mêmes de connaissances de l’homme, pour apporter des éléments de réponse à ces interrogations.
L’homme entre deux mondes et le besoin de connaissance
L’être humain appartient à deux mondes complémentaires : le monde sensible, fini, tangible, accessible par les sens, et le monde de la réalité suprasensible, infini, intangible, invisible. Il possède en effet un corps qui appartient au monde sensible et une âme immatérielle qui appartient au monde de la réalité suprasensible. C’est un être double par sa nature. Selon la Tradition rosicrucienne, cette double nature de l’homme se manifeste sous trois formes : un corps physique, une âme et un corps psychique qui résulte de l’interférence constante entre le corps physique et l’âme.
Par ailleurs, l’âme possède un attribut, la conscience, qui a une « phase » objective et une « phase » subjective. La phase objective a pour rôle essentiel de percevoir le monde matériel et de lui appliquer nos divers processus de raisonnement. La conscience objective, douée de raison, perçoit la réalité du monde sensible et permet de raisonner à son propos. Mais, seule, elle ne peut accéder à la connaissance du monde spirituel et à l’expérience de l’esprit. Quant à la phase subjective de la conscience, source de l’intellection et des connaissances supérieures, elle permet l’éveil et le développement des facultés spirituelles car « Les pensées dans le cœur humain sont des eaux profondes, l’homme raisonnable y puisera » (Pr 20, 5). De plus, la phase subjective assure l’entretien de ce que nous nommerons la foi. Ce terme désigne ici, en dehors de toute référence à une religion, la relation que l’être humain entretient avec un Être unique et transcendant qu’il appelle Dieu.