SECTION TRADITIONS ET PHILOSOPHIES
Par Aline Charest, Extrait de Les grandes voies de l’amour, Éditions Diffusion Rosicrucienne – 2003
« Nous voulons tous aimer et être aimés. Depuis notre naissance, nous aspirons, au plus profond de nous-mêmes, à vivre une éternelle histoire d’amour : à partir de celui de notre mère, lorsque nous sommes enfant, le cercle de l’amour s’élargit autour de nous en grandissant, pour s’étendre aux amis et aux partenaires amoureux. En mûrissant, l’amour développe le don de soi aux autres et nous fait acquérir des valeurs plus spirituelles, tels le pardon, l’altruisme et la compassion. Enfin, si nous poursuivons dans l’élévation de l’amour, nous pourrons faire l’expérience du « pur amour » et goûter, de façon ultime, à la félicité de l’amour divin.
Or, que savons-nous de l’amour ? Sur la toile de fond de l’amour universel dans lequel baignent tous les êtres vivants, nous tissons la trame personnelle de notre histoire d’amour, qui aura plus ou moins de couleur et de consistance selon les expériences d’amour que nous vivrons. Le motif de notre amour se dessine au gré des circonstances de la vie, et nous finissons par nous empêtrer dans les fils de ses nombreux fuseaux jusqu’à ce que nous ne puissions même plus en reconnaître la trame originelle ! Ainsi, jour après jour, nous recherchons l’amour sans savoir ce que nous cherchons, avec la réminiscence d’un trésor ancien caché au plus profond de nous et dont nous aurions oublié la royale origine. « L’amour est le véritable champ de la présence du Divin », mais sa qualité sera différente selon que l’on est branché ou non sur la transcendance. Il n’est plus alors question du seul sentiment qui console, réchauffe et rassure, mais de la rigueur qui reconnaît et éveille dans l’autre le centre essentiel. « L’amour humain en général, l’humanisme, envisage trois choses : sécuriser l’autre quand il a peur, donner un sens à sa vie et l’abriter dans une communauté. L’homme est sans cesse à l’affût de cela, alors que l’amour qui répond à l’appel de l’Être est tout à fait autre », nous dit Karlfried Graf Dürckheim, psychologue existentiel et adepte du zen.
Certes, l’amour éveille d’abord chez la personne aimée cet abri, ce sens, cette chaleur, « exactement là où dans le monde elle se trouve complètement perdue, dans l’absurdité et la solitude ». De plus, s’il peut aussi se transmettre « à partir du noyau divin », il fera trouver à l’autre « la vie dans la mort, le sens au-delà du sens et du non-sens, et l’amour dans la solitude », ajoute-t-il. Par ailleurs, au-delà des consolations humaines recherchées, l’amour qui répond à l’appel de l’Être pourra connaître l’influx de l’amour divin. Voici comment il se manifeste dans l’âme : « Dieu embrasse l’âme comme jamais père ni mère n’a embrassé un enfant, comme jamais créature n’a embrassé une créature », révèle Angèle de Foligno dans ses visions mystiques. Il « apporte dans l’âme un amour très suave par lequel elle brûle tout entière en lui ; il apporte une lumière tellement immense que l’homme, quoiqu’il éprouve en lui la plénitude immense de la bonté du Dieu tout-puissant, en conçoit encore infiniment plus qu’il n’en éprouve ».
L’amour est la voie incontournable si nous voulons découvrir qui nous sommes, d’où nous venons et où nous allons dans l’univers. « L’ultime promesse sur le chemin de l’amour est que vous marcherez dans la lumière d’une vérité qui surpassera toutes les vérités que votre esprit connaît actuellement. » Quelle est cette vérité ? «N’oubliez pas que la goutte peut savoir qu’elle se trouve dans la mer, mais rarement elle se rend compte que la mer entière est en elle », disait Ma Ananda Moyi à Graf Dürckheim, comme fruit de sa contemplation mystique. La réponse est le chemin même de l’amour, qui est le plus grand des maîtres spirituels que nous puissions rencontrer au cours de notre existence. « Non seulement l’amour nous enseigne les vérités, mais il nous les fait savourer », écrit Jean de la Croix dans son prologue du Cantique spirituel.
« Qui connaît dans la vérité, celui-là aime dans le feu», révèle Angèle de Foligno, en résonance avec les mystiques qui ont connu le feu ardent de l’amour divin. En Occident, c’est le maître Jésus, appelé le Christ, qui a livré comme message essentiel de son enseignement public : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés. » (Jn 15, 12.) Car « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux que l’on aime », lit-on dans l’Évangile de saint Jean. « Si un homme aime Dieu, celui-là est connu de Dieu », nous dit saint Paul dans sa première épître aux Corinthiens (8, 3). Et il ajoute : « Soyez enracinés dans l’amour et fondés sur lui. Ainsi, vous connaîtrez enfin l’amour du Christ qui défie toute connaissance, et vous serez remplis de toute la plénitude de Dieu. » (Éphésiens 3, 14-19.)
Ainsi, tous les maîtres spirituels, tels que Moïse, Jésus, Mahomet, Bouddha ou Krishna, ont été des messagers de l’amour. La force de leur message a eu une portée immense sur l’évolution des êtres humains au cours des âges, au point de changer le monde. Et c’est pourquoi les mystiques ont toujours témoigné de la dimension spirituelle et hautement initiatique de l’amour. »